Dedock

Publié le par Oceanis

Dedock.

Il n y a pas de bruit, pas de vrombissements assourdissants et encore moins de hurlement de réacteurs.

Il n’a rien.

Juste le Basilisk qui s’éloigne de la station, lancé sur son inertie. La flotte s’aligne sur la gate, tout aussi silencieuse.

Nous partons en guerre.

Une fois de plus.

De nouvelles cibles. De nouveaux morts.

Nous avons pas mal de rookies dans nos rangs, je ne les connais pas tous, je ne suis pas certaine de vouloir les connaître. Pour l’instant ils ne sont que des ombres anonymes, des pilotes sans passé dont la disparation me laissera indifférente. Chaque guerre prend son tribu, ils disparaissent à jamais dans l’espace, nous les effaçons de nos mémoires, comme si ils n’avaient jamais existés.

La liste est longue. Je n’ai pas envie de la relire. Pas ce soir.

J’aimerais croire que cette guerre sera différente, mais je sais qu’il n’en sera rien.

 

Je consulte ma liste des contacts diplomatiques. De nouvelles alliances à sceller le temps d’une nouvelle campagne. L’éternel recommencement. A ma grande surprise, on reçoit même une proposition de NAP de la part d’anciens ennemis. Un mail bien mielleux qui sent la peur.

Cela remonte le moral des troupes.

C’est toujours bon à prendre avant un conflit.

 

Premier warp.

Cela discute pas mal sur le canal de la flotte, l’ambiance est au beau fixe.

C’est facile, c’est toujours si simple avant, toujours si lumineux dans la victoire, je me demande fugitivement qu’en sera-t-il une fois que nous serons perdus dans l’ombre d’une défaite. Car des défaites il y en aura, il y en a toujours et cette campagne promet d’être meurtrière.

 

Je ne dis rien.

Je dois être la seule à trimballer mon paquet de nostalgie dans les soutes, à moins que cela ne soit un peu d’amertume. Je ne sais pas.

 

J’ai envie de parler avec Nicky, mais il mène sa flotte entouré de quelques anciens qui encadrent les nouveaux pilotes.

Il est infatigable, inébranlable.

Il reconstruit. Toujours et encore, fidèle à son rêve.

 

Il les forme.

Combien en a-t-il guidé dans l espace ?

J’en ai perdu le compte.

Des centaines probablement. Des centaines de pilotes qui sont venus à nous, se sont battus à nos cotés pendant parfois des mois voir des années, pour finalement disparaître.

Ceux-ci seront-ils différents ?

Peut-être.

J’en doute.

Une des choses qu’Eve m’a appris c’est que nous sommes des demi-dieux, rôle que nous jouons sans difficulté comme si nous étions tous nés pour être des capsulers.

 

Sur Eve, j’ai appris ce qu’étais la trahison, la méchanceté, l’indifférence et bien d’autres sentiments que nous attribuons aux humains.

J’ai appris que plus qu’un jeu c’est une grande simulation de la réalité. J’ai appris sur qui compter, j’ai appris à me méfier, j’ai appris la froide indifférence des pilotes de POD. J’ai appris l’agressivité, la colère et la vengeance.

J’ai vu le vol, la mesquinerie, le sabotage et tant d’autres choses qui semblent si normales derrière le voile de l’anonymat, derrière nos statuts de guerriers intrépides, comme si la guerre pouvait tout justifier, comme si elle était l’ultime réponse à notre conscience.

 

Le KB s’éclaire.

Un kill.

Je devine la joie et les auto-félicitations.

Je devine que à ce moment ils se sentent puissants, invincibles, inséparables. Ils sont tous des frères, des frères unis dans la victoire.

Je devine aussi ce que Nicky doit sentir.

Car il sait que la victoire est éphémère et incertaine, toute comme ces amitiés guerrières.

Il ne dit rien bien sur.

Il continue.

Inlassablement.

Toujours et encore.

 

Je négocie un NAP.

Pas une amitié, mais juste un arrangement temporaire basé sur des intérêts communs.

Peut-être qu’au final nous ne signons que des NAP, que nous ne sommes associés dans cette folie que par de simples arrangements d’intérêt. Quand les commodités disparaissent les pilotes s’envolent, se dirigent vers des flottes plus grandes pour essayer leur carrier ou augmenter leur nombre de kill sur le KB ou simplement pour échapper aux difficultés passagères d’une campagne qui a mal tourné. Peut-être que la liberté totale a rendu les capsulers hermétiques à tout autres sentiments. Certains le font avec politesse, gêne, et parfois maladresse. La liste des excuses est longue. Nous y répondons laconiquement. Toujours.

 

Mais Nicky continue.

Encore et encore.

Xenon est toujours là, en chasse et ses navires rodent dans l’espace.

 

Il a décidé une nouvelle guerre qui promet d’être meurtrière, une guerre a laquelle nous devrions renoncer car elle défie la logique des chiffres et pourtant je sais que nous la ferons, je sais que nous nous battrons, comme nous l’avons toujours fait.

 

Je sais aussi que nous gagnerons.

Peut-être pas sur le killboard en encore moins en isk, mais nous gagnerons car une fois encore il prouvera que tout est possible, que les limites n existent que pour ceux qui veulent s’en fixer, elles n’existent que pour les lâches et les peureux, les calculateurs et les mathématiciens, les rois des forums et les théoriciens du fit.

 

Je sais aussi que des pilotes nous quitterons, beaucoup, mais comme à chaque fois certains rejoindrons le cercle des inébranlables, ceux qui depuis le début de l’aventure suivent en dépit des difficultés, au nom d’une chose bien plus importante que les kills, le type de ships et la grosseur du wallet.

L’amitié.

Comme c’est simple.

 

Nous arrivons dans notre nouvelle base avancée.

Je dock.

Il y a des dizaines de navires à convoyer, des dizaines de voyages à travers l’espace, autant de temps pour penser, pour voyager dans le passé et les souvenirs.

 

Dedock.

J’aligne la gate.

Rugissement de réacteurs et délire sur le canal de la fleet.

J’entends des nouvelles voix, je vois des nouveaux noms à coté du vieux cercle des Xenon.

Je me sens très fière.

Très fière d’être une capsuler mais aussi d’être encore humaine.

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P
<br /> Très bon article. Un peu amer mais je ressent la même chose que toi.<br /> <br /> <br />
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