Battement d'ailes

Publié le par Oceanis

basiliskcombat

 

J’ai quelques heures pour t’écrire, peut-être ma dernière lettre. Car une fois encore nous partons en guerre.

Je ne te demande pas comment tu vas, car tu sais que je ne comprendrai pas la réponse.
Il y a longtemps que j’ai perdu espoir de te voir, longtemps que je regarde les étoiles sans vraiment rien espérer d’autres qu’une nouvelle guerre, que de nouveaux ennemis surgissent des profondeurs de New Eden.

Je ne m’en plains pas, c’est la vie que j’ai choisie, celle qui m’emporte mois à mois à travers la tourmente d’un destin que je ne peux contrôler, que je ne cherche même pas à comprendre.
Nicky dit que la guerre est l’ultime expression de notre liberté, l’unique réponse aux menaces, le seul vrai sacrifice que nous puissions faire pour conserver ce que nous avons de plus précieux : la liberté.

Ne crois pas que je suis devenue une poète ou une révolutionnaire.
Non.
Le destin des hommes m’est indifférent, les planètes ne sont pour moi que des repères dans l’espace, des points de référence sur les cartes de la galaxie. Je n’ai moi-même pas grand-chose à défendre ou à sauver, juste ce vieux croiseur logistique qui m’accompagne depuis si longtemps.
Quel sens peut-donc avoir la liberté pour les âmes errantes que nous sommes ?

Quand le ciel est devenu rouge, que les Huzzah ont débarqués dans notre système, nous les avons regardés venir.
Je devine ce que tu penses.
Je devine la peur et la crainte qui t’anime, pas par lâcheté, mais simplement par pragmatisme, par réalisme. La guerre est mauvaise, synonyme de mort et de destruction et elle doit être évité.
Ce fut la réaction de la majorité des habitants de Solitude : Négocier.

C’est ce que tu aurais fait.
Négocier à n’en plus finir,

Mais nous n’avions rien à négocier.
Personne n’est propriétaire du vide, de l’éclat froid des étoiles, du mouvement infini des astéroïdes.
Ni nous, ni les Huzzah ou quelque autres corporations.

Nous sommes donc entrés en guerre.
Pas ces guerres auxquelles tu es habitué, celles que se livrent les flottes des grandes corporations qui vous protègent, vous et vos misérables cailloux.

Non.
Car nous ne sommes pas des soldats que l’on déplace sur une carte au gré d’obscurs intérêts économiques ou diplomatiques. Nous ne sommes pas non plus des mercenaires se battant pour une poignée d’isk et encore moins l’armée privée d’une méga alliance.

Tu diras que nous sommes de simples pirates, des moins que rien à l’échelle de Eve, incapables d’imprimer leur empreinte sur la carte, incapables de changer le monde.
Tu as sans doute raison.

Nous les avons engagés comme nous savons le faire, par surprise, par traîtrise. Nous avons surgi et frappé avec ce que nous avons. Des flottes furtives harcelant leurs opérations de plus grandes importances, pour ensuite s’attaquer à leur convois et finalement à leurs pilotes résidents. Nous avons attaqué partout et n’importe quand, passant de la flotte de furtifs à celle de BCs, sans jamais laisser derrière nous aucune ligne de conduite que l’ennemi ne puisse exploiter. Nous sommes là et nous disparaissons. Sans gloire et sans honneur.

Des semaines que les combats se poursuivent.
Chaque journée est une nouvelle chasse, une nouvelle traque.

Pourquoi ?
Je ne sais pas quoi te dire.
Peut-être simplement pour le plaisir de la chasse, pour les rêves de sang et de destruction qui hantent mon sommeil, à moins que cela ne soit quand même un peu pour la liberté, pour ce concept que personne n’arrive vraiment à définir.
J’y crois vraiment.
Il me fait rêver.

A chaque fois que je dedock, que je prends l’espace, je me dis que je me bats pour une minuscule parcelle de cette liberté. Nous ne sommes qu’une dizaine, face aux quatre cents pilotes Huzzah, dont une centaine est maintenant basée dans Y9, mais je m’accroche à mon rêve que tout est possible pour ceux qui n’ont rien à perdre, rien à craindre, car même la mort ne nous affecte pas.
Nous sommes des immortels.

Pourquoi ne viens tu pas toi aussi ?
Est-ce que l’immortalité te fait peur, à moins que cela soit la liberté, ce vide absolu qui absorbe toutes nos décisions ?

Je sais ce que tu penses.
Que je suis folle.
C’est bien possible.
Mais je suis fière de cette folie, je l’entretiens chaque jour, je m’accroche à elle comme à une bouée de sauvetage qui m’empêche de sombrer dans la froide logique des calculs de rentabilité.
Il n’y a entre nous que les liens solides de l’amitié, l’excitation du combat qui agit comme un ciment, comme un élixir qui nous permet de survivre aux défaites et aux victoires.

Il y a tant d’autres choses que j’aimerais te dire, tant d’autres secrets que j’aimerais partager, mais nous arrivons à notre destination et la flotte de déploie.
Bientôt cela sera à moi d’entrer en action. Quelques minutes encore.
Les mots n’auront alors plus la parole, seul les rugissements des missiles et le tonnerre des explosions dicteront notre destin. Notre destin commun. Car quoique tu penses, dans l’univers, chaque petite action, même insignifiante a un impact sur le grand tout. C’est un peu comme le battement des ailes d’un papillon, tu te souviens de cette histoire ?

Moi oui.
Et il est temps pour moi de battre des ailes.

Oceanis Sol
Live Free or Die.

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