Diplomacy blues
Je revenais à peine de voyage quand la guerre me tomba dessus.
L’ambiance qui régnait à la station m’inspirait un vague sentiment de « déjà vu ».
Ne croyez pas cher lecteur que l’atmosphère était à la peur, aux pleurs et aux lamentations.
Non.
Il régnait ce soir là dans la corpo cette excitation malsaine du combat et le désir brulant d’en découdre.
En bref cela sentait le sang et la poudre.
Comme toutes les guerres, celle-ci devait commencer à cause d’un incident aussi stupide que bénin. Deux de nos pilotes visiblement shootés à la testostérone avait pété le « ship » d’une autre corpo qui semblait les avoir préalablement agressés. La conversation s’était tendue pour finir sur un joli « Nap or War », certes très guerrier mais assez peu diplomatique.
Les jeux étaient donc faits quand le boss m’envoya parlementer en agitant mon mouchoir blanc de diplomate.
Si, je suis habituée à ce sentiment d’être une cible mouvante, je dois dire que le pilotage d’un Osprey n’est rien comparé à cette mission de diplomatie dont les chances de réussites s’approchaient dangereusement du zéro absolu. A peine arrivée sur le canal de diplomatie, j’ai compris que l’ambiance n’était pas au beau fixe. Quelques uns de nos guerriers finissaient de ce promettre une jolie diversification d’horreurs quand le boss partit sur un :
« You want war you will have total war ».
De quoi vous mettre dans l’ambiance.
Ce qui a de bien dans ce boulot c’est que vous vous sentez supportée. D’abord pendant que vous essayez gentiment de lier contact avec la partie adverse vous recevez de jolis encouragements
« Oce ne baisse pas ta culote…Oce si ils veulent la guerre ils auront la guerre….Oce pas de signe de faiblesse…. ».
Bref vous vous sentez libre et supportée. Vous sentez la guilde derrière vous avec cet énorme désir de paix. Vous sentez le gros bloc de vos partenaires et leur soutien inébranlable.
Dans cette solitude profonde qu’éprouve tout diplomate il y a un faible réconfort, une minuscule lueur d’espoir : votre interlocuteur se sent aussi seul que vous.
Après avoir échangé quelques banalités diverses nous nous sommes mises au travail. Il ne fallut pas longtemps pour comprendre que comme dans pas mal de conflits tout le monde ne cherchait qu’un prétexte pour se taper dessus dans la plus grande joie. Dans un dernier espoir de dévier l’attention, nous essayâmes de sceller une alliance contre un autre ennemi commun et de pousser nos valeureux guerriers vers une cible moins dangereuse. Peine perdue. Si la testostérone est puissante la fierté du male sur le sentier de la guerre est tout aussi forte. L’insulte devait être lavée dans le sang.
Pendant ce temps là sur le canal de la corporation les préparatifs allaient bon train. Le Frighter effectuait son dernier « jump » en Empire tandis que notre boutiquière fournissait ses commandes en se frottant les mains. La guerre n’est pas mauvaise pour tout le monde. Loin de là.
Dans Eve, cher lecteur, la guerre est une activité aussi simple et salutaire que la respiration. Les combattants se frottent les mains en pensant à leur killboard et à la gloire éphémère d’un beau « kill » tandis que les industriels voient leurs prévisions de ventes exploser comme autant de super nova d’isk. Seul ombre dans ce joli panorama de destruction et d’explosion, nos pauvres casseurs de cailloux obligés de rester docker en station ou de se convertir en chair à canon.
Devant ce constat, nous dûmes nous résigner à mettre fin à nos conversations de paix essayant simplement de nous ménager quelques portes de sorties n’incluant pas l’anéantissement total d’une faction. Si cette logique diplomatique souleva des hauts le cœur dans les rangs des guerriers, cela nous parut sur le moment notre seule action possible.
Les dès était lancés.
La guerre aurait lieu.
« Safe fly » me lanca la diplomate.
Je ne poussai pas le cynisme à lui souhaiter la même chose. Etre diplomate n’empêche pas le réalisme.